Les enfants Inuits et l’école : clin d’œil aux enseignant(e)s de ce monde
École Innalik - Inukjuak |
Voilà maintenant presque 3
semaines que je suis arrivée, mais j’ai vraiment l’impression que je suis ici
depuis des mois. Tout s’est tellement passé vite, avec mon emploi comme
suppléante, ma maîtrise, les différentes activités et la petite routine, j’ai à
peine eu le temps de réaliser dans quel genre d’aventure je me suis lancée.
Heureusement, les enfants Inuits
me le rappellent tous les jours. C’est un périple des plus déstabilisants,
quelques fois difficile, mais surtout très enrichissant. Cependant, ce qui me
fascine le plus et encore, c’est à quel point c’est différent ici malgré que
nous soyons toujours au Québec.
Je vous fais un mini résumé de l’histoire
des Inuits pour mieux comprendre nos différences. À la base, les Inuits sont un
peuple de nomades qui a été habitué à vivre de la terre et de la chasse, sans
contrainte, loi, cadre ou même objets modernes. Lors de l’arrivée des blancs,
il y a de cela plusieurs années, ils ont apporté avec eux, entre autres, des
armes, de l’alcool et un mode de vie complètement différent de celui des Inuits.
Bien entendu, ces changements ne furent pas que positifs pour ce peuple simple
et unique. Aujourd’hui, les Inuits ne sont plus nomades, ils vivent dans les 14
villages du Nord-du-Québec, dans des maisons semblables à celles du Sud. Le
taux de chômage est très élevé, plusieurs Inuits vivent encore de la chasse et
de la pêche puis reçoivent, sans doute, de l’aide du gouvernement. Donc, la majorité ne quitte pas les villages
pour s’installer dans les grandes villes pour faire des études supérieures. Certains
travaillent dans les quelques petits commerces ou même, les plus scolarisés,
travaillent à l’école primaire avec les jeunes enfants.
Vous pouvez donc conclure que la
relation des parents et des enfants face à l’école et la scolarité en général
est complètement différente de la nôtre. De la première année à la troisième
année, les enfants reçoivent leurs cours seulement en Inuktitut (langue inuit)
avec une immersion en anglais. À partir de la troisième année du primaire, le français
ou l’anglais (selon le choix des parents) devient la langue d’enseignement,
mais les cours d’inuktitut se poursuivent jusqu’en secondaire 5, en plus des
cours de culture qui comprennent couture, tricot et tissage pour les filles;
chasse et ébénisterie pour les garçons. Dans l’école où je travaille, il y a
donc des classes de troisième année du primaire jusqu’à secondaire 5, français
et anglais, ça fait beaucoup de groupes, malgré qu’il y ait quelques classes
multi-niveaux.
Les enfants du primaire doivent
(théoriquement) se présenter à l’école tous les jours, mais la réalité est
toute autre. Les enfants viennent et partent au courant de la journée, certains
s’absentent tous les matins ou pendant des semaines complètes. Il devient donc
beaucoup plus difficile de suivre l’évolution académique des enfants. Les
parents ne sont pas directement contactés lorsque l’enfant est absent,
seulement si ça fait plusieurs jours que l’enfant manque à l’appel.
Au secondaire, les élèves ne sont
pas tenus de se présenter à leurs cours. Ils peuvent arriver et quitter lorsqu’ils
le veulent. La plupart nous ont confiés venir seulement pour se divertir et
passer le temps, très peu veulent poursuivre leur scolarité au-delà du
secondaire. Alors voilà, vous pouvez maintenant mieux comprendre le défi que
représente l’enseignement dans le Nunavik.
De plus, plusieurs problèmes
sociaux rendent l’apprentissage beaucoup plus difficile. Malheureusement,
beaucoup d’enfants ne mangent pas à leur faim. D’ailleurs, l’école Innalik à
Inukjuak fait partie du programme des petits déjeuners du Québec. Nous servons
donc un déjeuner à tous les enfants, tous les matins, j’ai vu un enfant venir
seulement à l’école pour le déjeuner puis quitter ensuite… c’est vraiment
dommage, mais tant mieux s’il peut avoir un petit déjeuner équilibré tous les
matins! Cependant, la pauvreté a sûrement un peu à voir avec l’alcool et la
drogue, autre gros problème dans les villages Inuits pourtant secs (aucun
alcool en vente libre). L’alcoolisme est un obstacle important au développement
des enfants dans la région. Plusieurs étudiants arrivent à l’école fatigués, puisque
des proches ivres ont perturbé leur sommeil. De plus, la cigarette est aussi une dépense
importante dans le budget familial, dès la cinquième année du primaire, les
jeunes fument abondamment…
Comme vous le savez sûrement déjà,
Inukjuak n’est pas accessible par la route. Donc les seuls moyens de recevoir
des provisions c’est par avion et par bateau. Les paquebots, communément
appeler ‘sealifts’ viennent quelques fois par année, lorsque l’eau n’est pas
gelé. Lorsque les bateaux arrivent, tout le village se transforme. Il y a
soudainement beaucoup plus de choix sur les tablettes des magasins généraux, plusieurs
chantiers de construction se mettent en œuvre avec l’arrivée des matériaux et
surtout, plusieurs personnes reçoivent leurs cargos, comprenant des items
personnels, 4 roues ou voitures. Malheureusement, l’arrivée des sealifts rime
aussi avec l’arrivée de la boisson et autres substances illicites. Le
comportement des enfants, à ce moment, change sérieusement. Ils sont
soudainement beaucoup plus agités, agressifs et susceptibles. On m’avait
prévenue du phénomène, mais j’ai pu m’en rendre compte moi-même cette semaine
dans une classe de quatrième année français, où j’ai fait de la suppléance.
En toute honnêteté, je ne pensais
jamais que faire de la suppléance ici serait un aussi gros défi, autant sur le
plan personnel que professionnel. En blague, Raphaël et moi, on se dit souvent
que l’enseignement ici c’est comme enseigner à des petits gangsta dans le Bronx
haha! Bon, ce n’est pas tout à fait ca, mais je suis certaine que ce n’est pas
trop loin de la vérité. Pour avoir fait plusieurs différentes classes depuis
mon arrivée, je confirme que la grande majorité des enfants ont des problèmes
de comportement et/ou d’apprentissage. Le niveau académique n’est pas du tout
celui de Montréal, mais d’un autre côté c’est un peu normal puisque les enfants
apprennent une deuxième, sinon une troisième langue. Ils ont aussi beaucoup de
difficulté à gérer leurs émotions, ce qui fait en sorte qu’ils peuvent devenir
très agressifs, se battre avec d’autres enfants, lancer des objets, bref ce n’est
vraiment pas de tout repos!
De plus, tout le monde sait très
bien que les remplaçantes, on ne leur donne jamais la vie facile! Les enfants
ne vous connaissent pas et donc ne vous accordent aucune autorité. Ensuite, ils
ne vous donnent pas leur vrai nom, refusent de travailler et testent constamment
votre patience. Le hic, c’est qu’ils réagissent très mal à la colère, à la
perte de patience et à se faire donner des ordres. J’ai l’impression que dans les
familles Inuits, les enfants ne sont pas beaucoup encadrés, ils ne reçoivent
donc pas souvent des directives ou de
règlements à respecter. D’ailleurs, le mot respect n’existe pas dans la langue
Inuktitut, c’est donc tout un défi de leur expliquer ce concept…
À ce stade, vous devez vous
demander pourquoi est-ce que je persévère? Je me suis posée la question à plusieurs
reprises et il m’arrive de me la poser encore. Il y a une grosse partie de ma
motivation (le peu qu’il me reste) qui est en lien avec la curiosité, l’autre
partie c’est probablement de l’orgueil (pour ceux qui me connaissent bien, vous
n’allez pas être surpris!). Ces enfants sont malgré tout très attachants et ils
veulent de l’attention, un milieu stable et stimulant puis une petite dose d’amour.
Derrière chaque comportement se cache une raison, une explication, une
motivation et j’ai le goût d’aller voir plus loin pour mieux comprendre. Mon
bref passage au secondaire en maths/sciences (une journée) a été des plus excitants.
Malgré leurs airs rebelles et leurs attitudes ‘je suis beaucoup trop cool pour
mettre des points sur un plan cartésien’, ils sont très curieux et veulent en
savoir plus!
Alors voilà, cette semaine j’avais
le goût de partager avec vous un petit peu du quotidien et des motivations d’un
enseignant dans la magnifique région du Nunavik. J’ai toujours eu le goût d’essayer
l’enseignement, puisque je trouve que c’est une profession, pour ne pas dire
vocation, des plus gratifiantes. Je suis donc vraiment contente d’avoir l’opportunité
d’enseigner, malgré que j’aie beaucoup de travail à faire sur ma patience…!
Sur une note plus légère, hier
nous sommes allez prendre une marche dans la toundra, c’était une magnifique
journée d’automne (eh oui, ici c’est déjà l’automne). Après 10 minutes de
marche, nous étions entourés de ce que la toundra a de plus beau à offrir :
lacs, rivières, collines, végétation unique, petits fruits, mais surtout, aucune
civilisation en vue. Nous avons donc passé deux heures à marcher hors des
sentier battus, à manger des baies sur notre chemin et respirer l’air pur, c’était
fabuleux. Ce sont ces petits moments qui justifient cette aventure et toutes
les difficultés rencontrées.
Merci beaucoup de me lire c’est
vraiment apprécié, continuez de faire des commentaires!
Genny XX
Hey lâche pas Geneviève!!!
RépondreSupprimerTu y arriveras!
Merci Nic! C'est pas toujours facile, mais je garde le moral pour l'instant :) Merci pour tes encouragements!
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